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Publié le par Elerina

Chap.19 Le départ

 

La journée passa ainsi très vite à élaborer nos plans, dans une ambiance détendue qui, tenant compte de ce qui nous attendait, était plutôt surprenant. J’appris plus tard à connaître un peu mieux Onoro et à me rendre compte que parmi ses nombreux dons, il excellait dans l’art de modifier l’état de notre moral et de nous détendre comme aucun antidépresseur, anxiolytique ou même certaines substances plus ou moins licites n’auraient pu le faire ! Il me plaisait de plus en plus décidément. Il fut convenu que nous conserverions les groupes comme Thalion l’avait dit, et que Onoro se joindrait à notre duo.

Toutefois, même si nos cœurs étaient en paix et libres de toute angoisse, ce ne fut pas si simple. S’entendre entre humains pour se mettre d’accord pour organiser une soirée sympa ou des vacances est déjà source de nombreuses discutions et conflits. Là, il s’agissait d’un groupe d’humains semi-elfes (encore fallait-il que ces deux parties là s’entendent…), d’elfes, et d’un magicien et qu’il était question non d’une soirée mais bien de la plus terrible guerre à éviter dans laquelle étaient impliquées toute sortes de créatures pas vraiment naturelles et carrément méchantes pour beaucoup d’entre elles.

Nous partirions ainsi à dos de pégases, ces chevaux ailés avaient quelques tours dans leur poche, dont celui de se fondre dans le ciel, nuageux ou pas, ils seraient ainsi invisibles à l’œil humain. Chaque groupe se dirigeant vers un pays différent. Il y avait sept pays en terre des hommes, dirigés par des souverains et leur ministère (environ une dizaine de personnes, hommes et femmes), ce système fonctionnait bien et peu de conflits venaient déranger la quiétude des pays. Chacun avait une armée bien entendu, au cas où, composée de guerriers très bien entraînés qui consacraient leur vie à leur métier. Ils avaient surtout un rôle de surveillance. Or d’après le magicien, les hommes commençaient à rallier les armées en grand nombre, une propagande apparemment convaincante avait été lancée. Et dans plusieurs pays, leur entraînement avait été intensifié, sans aucune raison apparente. Notre première mission consisterait donc à rencontrer les souverains et tenter de savoir à quoi au juste les armées se préparaient et surtout savoir comment ils avaient été envoûtés et enfin les délier.  Ce qui ne sera pas chose aisée mes amis, nous avertit le magicien.

-  Et si nous n’y parvenons pas ? demandais-je

- Alors, ce sera la guerre.

- Il n’y a aucun autre moyen ?

- J’ai bien peur que non. Si les souverains se font dicter leurs actes par des puissances occultes, nous ne pourrons rien faire. Ces puissances là sont très fortes. Nous devrons alors prévenir chaque catégorie d’elfes et nous préparer au combat.

- C’est affreux ce que vous nous dites !

- Mais réaliste. Il se fit alors plus rassurant, se tourna vers moi, me sourit et posa un regard très doux sur moi. Nous n’en sommes encore pas là n’est ce pas ? Bien des choses peuvent se produire qui n’entrent pas dans nos plans actuels, et pas seulement des mauvaises choses. Gardez cela à l’esprit mon jeune ami, et vous tous, dit-il en relevant la tête et fixant chacun, un à un. Nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir, de bonnes choses peuvent arriver à point nommé, des aides inespérées au moment où nous nous croirons vaincus. Alors, même dans les pires moments, avancez, encore et toujours, croyez en ce que vous faites, luttez avec cette belle ardeur qu’est l’énergie du désespoir. Ayez de l’audace !

- Nous continuerons la formation des semi-elfes pendant le voyage, reprit Sairon. Ils ont appris à faire dominer leur part elfique. Maintenant, il s’adressa à nous cinq, il vous faut pratiquer la magie avec aisance, il vous faut apprendre à combattre par la magie. Vous êtes prêts pour cela. En effet, il nous sera donné de rencontrer des créatures qui se dresseront sur notre passage, par la magie, nous pourrons en venir à bout.

Ainsi fut-il convenu que la nuit suivante nous partirions à la rencontre des souverains.  Le temps est compté, nous ne pouvons plus attendre,  nous avait confié Onoro qui avait vu de ses yeux la situation. Nous devions régler avant tout un détail, les elfes devaient passer inaperçus auprès des hommes. Pour Nilda aucun changement ne fut nécessaire, il devait juste faire attention à ne pas montrer ses oreilles. Pour Sairon et Mel aldar, ce fut une autre histoire, il nous fallut trouver des lentilles pour changer la couleur de leurs yeux et un shampoing pour masquer l’aspect surnaturel de leur chevelure. Après transformation, ils étaient toujours aussi…magnifiques, mais bon, plus proche du mannequin parfait des magazines que de l’elfe, ils avaient les yeux noisettes et les cheveux blonds, qu’ils laissèrent libres pour cacher la pointe de leurs oreilles.

 

Après la mixture pas très ragoûtante mais hautement performante de notre magicien, nous pûmes partir, comme après une longue période de repos. Nous nous sentions prêts à combattre des dragons…enfin c’était pour l’image, l’idée qu’il pouvait en surgir un à n’importe quel moment ne quittait pas mon esprit et n’était pas pour me rassurer quand-même. J’en informais même Onoro un jour de grande angoisse. Il me regarda d’un air amusé.

-  Des dragons ? Quelle étrange idée…tu lis trop de romans mon jeune ami …hum, quelle imagination 

- Justement, Ré’hem m’a dit qu’elle a pu me contacter et me venir en aide parceque j’avais assez d’imagination pour croire en elle

- Alors, pour cette fois, n’aie pas trop d’imagination, cela pourrait appeler un dragon !

- Vous vous moquez, c’est pas sympa

- Je me moque…oui …et non. Je n’ai jamais vu de dragon, mais j’en ai entendu parler. Alors si tu y crois si fermement, peut-être effectivement existent-ils, qui sait ? Mais n’imagine pas les dangers qui ne sont pas encore devant toi, concentre ton attention plutôt sur ce qui est réellement et maintenant devant toi.

- C'est-à-dire ?

- Des Nullafae, je les sens, ils vont tenter de s’emparer de ton esprit, toi aussi Norbert, soyez vigilents.

 

Instinctivement nous restèrent en contact mental Norbert et moi, ainsi nous étions bien plus résistants à toute attaque. Nous sentions des frôlements glacés sur nous, parfois sur le visage, c’était angoissant, nous entendions des murmurs, oppressants, insistants, mais nous nous exortions aussi mutuellement. Ils ne purent rien faire et partirent. Nous devions nous rendre dans mon pays, le pays des Aurores. Il s’appelait ainsi pour les aurores boréales que nous pouvions observer à certaines époques de l’année. Je ne me suis jamais habitué à un tel phénomène, il a toujours provoqué l’émerveillement à mes yeux, le vertige de l’infini à tous mes sens. Dominique et Nilda se rendaient dans le pays d’origine de mon ami, où il avait passé son enfance, le pays de la frontière, les habitants et même les dirigeants ne savaient pas d’où venait ce nom car ils ignoraient que la forêt cachait une frontière.

 

Raphaël et Sairon partirent pour le pays de l’eau, un lieu truffé de marécages, très dangereux à qui ne les connaissaient pas par cœur, pour Raphaël, ce n’était pas un problème, il les avait sillonné des centaines de fois. Sairon eut beau suivre pas à pas Raphaël, il se retrouva bien des fois le nez et le postérieur dans l’eau nauséabonde et froide. Se retrouver dans son pays avait procuré un choc difficile à surmonter pour Raphaël. Il n’en gardait que le souvenir de la secte qui l’avait enrôlé, et puis, plus loin, de sa jeunesse en orphelinat. Il n’avait pas connu ses parents qui l’avaient abandonné à sa naissance dans cette institution froide. Puis, ses années d’errance, des rencontres malsaines, de celles que l’on fait dans la rue, puis, cet homme, qui l’avait subjugué et entraîné. Son seul bon souvenir, c’était Norbert, qui l’avait toujours épaulé, comme lui, il avait vécu des années dans le même orphelinat, avait traversé beaucoup de moments difficiles, et surtout, l’avait sortit de l’enfer.

Ce fut grâce au soutien de Sairon, toujours présent dans son esprit qu’il pu surmonter son envie de s’enfuir. Ils menèrent à bien cette désagréable mission de rencontrer un roi dont l’esprit était totalement contrôlé par le sorcier noir. Ils renforcèrent ainsi les liens déjà tissés entre eux, ce fut une expérience redoutable pour Raphaël, mais qui lui prouva la loyauté de son ami elfe.

 

Yvan et Mel-aldar rejoignirent le pays des montagnes. Il portait lui aussi bien son nom, il fallait une constitution robuste comme Yvan pour survivre à ses conditions extrêmes de froid, de glaces et de roches à escalader. Mel-aldar puisa autant que possible dans ses réserves d’énergie pour lutter contre les éléments, mais voilà, un elfe, si frêle soit-il, nous étonnera toujours par son endurance et sa résistance et il arriva au bout, sans même une égratignure, juste un peu fatigué, avoua-t-il.

La rencontre avec le roi fut plus que mouvementée. Ce fut seulement grâce au caractère tempéré de Melaldar que Yvan échappa de peu à la prison. Voyant que le roi ne réagissait à aucun de ses avertissements, et soupçonnant le premier conseiller, il s’en était prit à celui-ci, le prenant par le col, à la limite de l’étranglement :

- Que lui avez-vous fait ? hurlait-il Ce n’est pas notre souverain ! Il ne pense plus par lui-même, ce n’est pas lui qui a pris cette décision, mais vous ! avouez !

- Yvan, il ne sert à rien d’user de violence. Regarde moi.

Meladar avait une voix très douce, enjôleuse par instant, à laquelle on ne pouvait se soustraire. Aussi, Yvan s’exécuta et le regarda, il lâcha prise sous le regard de son ami et se laissa envahir par une onde de sérénité. Ce fut avec une voix parfaitement calme qu’il put formuler ses excuses au roi et au conseiller.

 

Pendant les trajets, chacun des semi-elfes put parfaire sa formation magique. Nous apprenions à rester toujours en connexion les uns avec les autres, pouvoir rester en contact tout en se concentrant sur autre chose, et ceci quelle que soit la distance entre nous. C’était un sentiment qui me réchauffait le cœur de savoir que même les kilomètres ne nous sépareraient plus désormais ! Nous découvrîmes comment perfectionner l’utilisation de l’arc et de l’épée en étant en osmose avec la matière, afin que notre esprit accompagne la flèche jusqu’au but et rende l’épée plus légère et précise. Enfin, nous fûmes instruits sur la force que pouvait recéler un regard, comment déstabiliser l’autre par le regard, y insuffler une énergie puissante au point d’ôter les forces de celui qui croise notre regard. Nous nous découvrions peu à peu, comme un papillon sort de sa crysalide, nous renaissions en force, au terme de nos voyages, nous n’étions plus du tout les mêmes.

 

 

 

Chap.20 Professeur Allan

 

Nous étions arrivés aux portes du pays de l’Aurore. A ce moment, Onoro nous fit une proposition à laquelle nous ne nous attendions pas.

-  Mon cher Rudy, et si tu me faisais visiter ton collège ? Cela te fera certainement très plaisir de revoir tes amis, non ?

-…. Euh, bien sûr, j’étais tellement surpris que j’en perdais mes mots

- Et bien allons-y !

- Mais…nous sommes sensés être pressés non ? et puis Norbert ne connaît personne ici.

- Et bien c’est l’occasion ou jamais de faire connaissance. Et comme tu le dis si bien, le temps presse, alors allons.

Et là, il partit devant, il connaissait le chemin.

- Eh mais, vous connaissez le collège ?

- Ne poses pas tant de questions, bien sûr que je le connais ton collège.

Il était vraiment bizarre ce magicien. Mais après tout, avec ses pouvoirs c’était fort possible qu’il connaisse le lieu du collège. Je n’étais pas au bout de mes surprises…

 

Il faisait nuit lorsque nous rejoignîmes le collège. Comme je n’avais pas la clé, et que l’heure du couvre-feu était passée depuis longtemps…

-  Nous allons avoir un problème, Onoro.

- Lequel est-ce ? me lança-t-il le plus innocemment du monde en montant les escaliers qui menaient à la porte d’entrée.

- La porte est fermée

- Est-ce tout ?

- Ben c’est déjà pas mal, on ne peut pas entrer !

- Ce n’est pas une porte fermée qui va empêcher un vieux magicien d’entrer ! Risquons-nous à faire un peu de magie… Sur ces mots, il posa sa main sur la poignée et…ouvrit la porte, tout simplement ! avec un petit rire, satisfait de son effet. Allons-y, on nous attend.

- Ah bon ? et qui ça ?

- Tu le sauras au moment voulu.

Nous n’avions plus qu’à le suivre, et il se dirigeait dans ce collège comme dans un lieu parfaitement connu de lui. Il monta les escaliers qui menaient aux chambres des professeurs, puis encore un escalier, celui qui menait à la chambre…

- Le professeur Allan ? Ne me dites pas que vous vous connaissez ?

- Cela semble vous surprendre et vous contrarier me répondit le professeur en ouvrant la porte. Et bien oui, nous nous connaissons. Entrez, et cessez d’arborer cet air ahurit s’il vous plait ! Je ne suis toute de même pas un revenant…puis avec un sourire sournois…ni un vampyre rassurez-vous.

Je le retrouvais tel quel, aussi effrayant et …désagréable et apparemment j’allais devoir faire avec car il avait l’air de bien connaître Onoro et malheureusement, de bien s’entendre avec. Incroyable ! jamais je ne l’avais vu sourire comme ça, son visage s’en trouvait transformé et beaucoup moins antipathique, enfin bon, ça restait Professeur Allan quand-même. Onoro lui exposa la situation, il ne sembla absolument pas surpris de savoir que j’étais un semi-elfe. Je ne comprenais pas grand-chose à leur lien, jusqu’à ce qu’ils se tournent vers nous et semblèrent se souvenir tout à coup que nous étions là nous aussi.

Onoro prit la parole :

- Ainsi donc, Allan, tu connais très bien Rudy, alors je n’ai qu’à te présenter Norbert.

- excusez-moi, mais j’aimerais comprendre….

Osais-je demander, il était vrai que la présence du professeur m’intimidait quelque peu !

- Comprendre quoi ? s’enquit Onoro

- Et bien pourquoi vous vous connaissez et comment se fait-il que vous connaissiez l’existence des elfes Professeur ? Aucun humain n’est sensé savoir et …je fus coupé net par Allan

- Je vais vous répondre. Je ne suis pas que professeur, c’est une, disons…occupation. Je suis surtout l’apprenti de Onoro.

- Vous…magicien…

Encore une fois je restais sans voix, Norbert quant à lui s’amusait comme un fou à me voir tomber des nues depuis tout à l’heure.

- Oui, je prendrai la relève lorsque le moment sera venu. Je savais aussi qui vous étiez, vous Rudy, Dominique et Yvan.

- Yvan vous en avait parlé ?

- Absolument pas, il était tenu par le secret tout comme vous. J’ai juste « vu » à travers vos manches les bracelets et vous aviez tout trois une très grande sensibilité à la communication télépathique.

- Comment ça ?

- Je peux lire en vous très facilement, j’ai pu visiter vos esprits à loisir, chose que je ne parviens pas à faire si aisément chez les humains.

- Vous avez « visité » nos pensées ? Mais c’est interdit, pourquoi avoir fait cela ?

- Juste pour être certain, lorsque Gil Galdor a communiqué avec vous, je l’ai su dès le lendemain, sa voix était encore présente dans vos têtes. Je vous assure que je n’ai pas abusé de ce pouvoir.

- Vraiment ?

- Vraiment.

Le sourire mesquin qu’il arborait ne confirmait absolument pas son affirmation ! et savoir qu’il pouvait voir à travers les vêtements…me faisait un drôle d’effet…

- Bien, reprit Onoro, maintenant que tout est clair, Rudy, il va falloir vous habituer à la présence d’Allan, car il fera dorénavant partie de notre équipe, il va nous être d’une grande utilité, car il est un ami intime du roi et pourra donc faciliter notre entrevue avec lui. De plus, sa faculté à faire dire la vérité ne pourra que nous aider.

- Bien.

Je ne trouvais rien d’autre à dire, mais je bouillonnais intérieurement. Savoir que j’allais avoir ce personnage à mes côtés, pour mener à bien notre mission m’était difficilement supportable. Tous, mais pas lui ! et bien si, lui et personne d’autre. Je l’aurais plutôt vu dans le camp des elfes noirs moi, et…pourquoi pas ! qu’est-ce-qui nous disait que ce n’était pas un espion ?

- Sondez-moi !

Allan s’était approché de moi et avait suivi mes réflexions comme si j’avais parlé à voix haute.

- Si vous ne me faites pas confiance, sondez-moi, je ne vous opposerai aucune barrière, allez-y.

- Non ça ira.

Je n’étais même pas libre de penser ce que je voulais. Ce qu’il me fallait c’était un moment de tranquillité et de repos, ce fut Norbert qui exauça mon vœu.

- Excusez-moi, Rudy et moi avons besoin de quelques heures de repos.

- Effectivement, vous devez être harassés, tenez les clés de la chambre d’à côté, elle est libre, profitez de ces quelques heures qu’il vous reste de répit, car dans un peu moins de cinq heures, nous partirons pour le château. Le château était la demeure du roi, de sa famille et de tous ses conseillers.

 

Une fois seuls dans notre chambre je pu déverser toute la haine que j’avais accumulée contre le professeur Allan, Norbert m’écouta, attentivement.

-  Je reconnais que de te retrouver nez à nez avec lui a du être un drôle de choc. Mais maintenant, il n’a plus le rôle de professeur envers toi. Tu n’as plus à le craindre en tant que tel.

- non mais en tant que magicien, c’est pire, non ?

- Onoro sera là pour le tempérer.

- Heureusement, oui. Mais imagine qu’il doive s’absenter pour une raison ou une autre, et qu’on se retrouve seuls avec Allan ?

- N’imagine pas les dangers qui ne sont pas encore devant toi. Ca ne te dit rien ?

- Mouai, c’est vrai. N’empêche, je me méfie de lui. Tu imagines, il a vu les bracelets à travers nos manches, ça veut dire qu’il voit à travers nos vêtements ! eh ! tu trouves ça normal ?

- Je suis certain qu’il n’en abuse pas.

- Ben tiens ! Tu le connais mal.

- Si Onoro lui-même l’a pris comme disciple, quelle preuve te faut-il de plus ? rappelle toi qu’il n’est pas seul à choisir son apprenti, un elfe de chaque clan doit le rencontrer et le sonder, après quoi il donne son accord. Avec ça, il n’y a aucun doute. Tu peux avoir confiance. Ce n’est pas de l’intuition qui engendre ta méfiance, Rudy, c’est de la rancune, nuance !

- C’est vrai, tu as raison.

Une douce voix familière se fit entendre dans ma tête

- Ré’hem ! Comme ça fait du bien de t’entendre

- J’ai senti un grand trouble en moi, il me venait de toi. Tu dois à tout prix te calmer, Calion, et fais confiance à Mirima, il est dans le vrai, Allan est l’apprenti de Onoro depuis maintenant dix ans, nous lui faisons une entière confiance, désolée que tu aies fait sa connaissance en de si mauvaises conditions. Sache qu’il a une part humaine qui n’a rien à voir avec sa part de magicien. La partie humaine cache quelques défauts, dont celui de harceler ses étudiants, certes, mais il n’est pas comme ça en vérité. Tu apprendras à le connaître et à lui faire confiance.

- Je t’adore, tu le sais ça ?

- C’est toujours agréable à entendre.

Norbert venait de répondre à la dernière phrase que j’avais adressée à Ré’hem, celle-ci à haute voix, il l’avait pris pour lui naturellement…

- Excuse-moi, je m’entretenais avec Ré’hem

- D’accord, je comprends mieux ton silence et cette phrase inattendue, dommage, c’était sympa !

- Tu peux aussi la prendre pour toi aussi.

- Maintenant reposons-nous. Je vais contacter Raphaël.

- Et moi Dominique, il me manque, on n’a jamais été séparés pendant des années plus de deux ou trois jours.

 

La discussion que j’eus avec Dominique me fit l’effet d’un baume cicatrisant, il avait été surpris, autant que moi de ma rencontre, mais il avait trouvé les mots justes pour me calmer et m’encourager à faire une confiance totale en Onoro et son disciple que je ne devrais plus qu’appeler Allan. Il me rappela qu’il nous avait laissé tranquille dès le deuxième trimestre, cela correspondait au moment où Gil Galdor était entré en contact avec nous. Et que cela montrait qu’il n’avait rien contre nous, au contraire. Il m’informa que lui aussi avec Sairon allaient rencontrer le souverain dans quelques heures, mais qu’ils avaient discuté pendant la journée avec des habitants du pays et comme l’avait dit Onoro, la plupart étaient entourés de cet aura de haine, l’atmosphère était très tendue, les sourires avaient déserté les visages.

Dominique, accompagné de Nilda, avait rencontré plusieurs de ses anciens amis, aucun n’avait semblé vraiment heureux de le revoir. Nilda et lui décelèrent chez chacun cette aura de haine décrite par Onoro. C’était bien eux, Dominique pouvait reconnaître au plus profond d’eux leur caractère véritable, mais ils n’étaient en même temps plus les mêmes. Ils n’avaient qu’une idée en tête : Se battre, contre ces elfes qui voulaient envahir le monde.

- Comment ça, les elfes veulent envahir le monde ? Mais qui vous a mis une idée pareille en tête ? C’est absurde, totalement faux !

- Le roi nous l’a dit.

C’était l’un de ses plus anciens camarades qui s’était approché de lui. Il tapait sur la tempe de Dominique avec son index, comme pour lui faire entrer dans la tête ce qu’il disait.

- Et ce que le roi dit est toujours vrai, tu devrais le savoir. Il ne ment ni ne se trompe jamais.

Son discours prit une tournure franchement menaçante :

- Maintenant, si t’es pas d’accord, je te conseille de repartir vite fait d’où tu viens ! Ceux qui ne sont pas avec le roi, sont contre nous, tu piges ?

 

Il n’y avait plus aucune discussion possible. De plus, ils se méfiaient de Nilda. Sans vouloir dire pourquoi, ils ne voulaient pas lui adresser la parole.

 

Quant à l’entretien avec le roi, il n’eut tout simplement pas lieu puisque le roi était trop occupé à réunir les troupes pour le départ qui devait avoir lieu le lendemain. Ils avaient seulement pu voir l’un des conseillers qui, curieusement, était soucieux de savoir ce qu’ils avaient à rapporter au roi. Lorsqu’il connu le but de leur démarche, il arbora un air mauvais et les renvoya dehors, sans plus d’explications.

 

Voir ses amis si inamicaux, sans aucun cas pour les liens qui les avaient unis pendant leur enfance, ne pas pouvoir parler au roi et enfin se heurter à une telle hostilité de la part de son plus proche conseiller, tout cela avait anéanti Dominique. Nilda prit soin de soulager sa tristesse, et de calmer ses craintes.

- Heureusement que j’ai Nilda avec moi, me transmit Dominique, comme toi tu as Norbert. On a vraiment besoin les uns des autres. Voir notre monde dans cet état me fait mal.

- Dans quelques heures, nous rencontrerons le roi, peut-être est-ce-que nous aurons l’explication de tout cela. Et alors, nous aviserons.

 

 

 

 

 

 

Chap.21 Le Cristal

 

 

J’étais presque complètement détendu lorsque Onoro vint nous chercher, en tous les cas, j’avais retrouvé les forces nécessaires, quelques heures de méditations avaient suffit. Norbert sauta sur ses pieds, prêt à bondir sur le dos du pégase. Ils nous attendaient bien sagement et bien cachés, il nous suffit d’établir le contact mental pour les voir arriver dans la minute qui suivait. Phénoménales ces créatures ! et tellement, tellement majestueuses, je ne m’y étais pas encore habitué. Allan grimpa sur le dos de l’un d’eux et me fit signe de venir.

- Quoi ?

- Et bien mon jeune ami, gronda Onoro, qu’attends-tu ? Maintenant que nous sommes quatre pour trois pégases, il faut partager.

Je n’osai rien rétorquer, Onoro savait être très convainquant, il employait un certain ton de voix qui n’admettait et de toute façon n’attendait aucune réplique. Donc, je m’exécuta et pu effectuer un charmant voyage en compagnie du plus charmant des pro…magiciens ! Mais ça, c’était sur, ils l’avaient fait exprès, il suffisait de voir ce fameux rictus malsain sur le visage cireux de Allan pour en être convaincu… Changera jamais…

Une petite heure suffit pour rejoindre le château. Ce n’était pas un château comme on en voit dans les histoire du Moyen-Age, mais une très grande demeure, composée de plusieurs maisons accolées les unes aux autres, chacune ayant un style et une couleur à elle, la délimitant ainsi des autres. Cela donnait un aspect général plutôt original, mais pas laid. Celle du roi était au centre, ni plus grande, ni plus luxueuse que les autres. En fait, le roi était celui qui décidait en dernier ressort, mais n’avait aucun avantage par rapport à ses conseillers qui étaient sept en tout. Il était au même niveau social qu’eux, guère plus élevé que la majorité de la population.

Nous arrivâmes non loin du château, dans un bois, loin des regards indiscrets. Je ne fus pas mécontent de descendre. La dernière partie du voyage, s’apparentait plus aux montagnes russes qu’à un voyage d’agrément.

- Allons, allons, Rudy, ce teint verdâtre ne vous va pas du tout. Allan semblait particulièrement satisfait de son coup.

-Vous l’avez fait exprès ou quoi ? Jamais un pégase ne m’avait fait ça ! D’habitude, le vol se fait en douceur, c’est même très agréable, NORMALEMENT.

- J’avoue que je me suis bien amusé, nous nous entendons bien, Magenta et moi. Vous voyez, ce n’était pas si terrible, votre teint redevient presque normal. Allons-y, le roi nous attend.

- Ben je vais être bien, moi si je me sens mal devant le roi.

- Hum, petite nature…Il était ravi Allan.

Il avait obtenu la veille une entrevue avec le roi, nous étions donc attendus par celui-ci dans ses appartements. Il était seul comme l’avait demandé Allan. Ce qu’il nous révéla au cours de l’interrogatoire de son ami nous allerta au plus au point.

 

- Bienvenue mon cher ami, que me vaut l’honneur de ta visite et de celle de tes amis ?

Il semblait mal à l’aise et de très mauvaise humeur. Allan parut s’étonner d’un accueil aussi froid mais présenta tout de même d’emblée chacun de nous comme des amis qui, avec lui, étaient préoccupés par la situation du pays et apparemment des autres pays. Il finit par dire

- Il y a quelque chose d’anormal, convenez-en !

- Que voulez-vous dire ? Et de quoi vous mêlez-vous ? Tout va pour le mieux et, je suis désolé, mais je n’ai guère de temps à accorder à des conversations futiles et sans intérêt !

Alors là, Allan, il ne fallait pas lui parler comme ça, tout roi qu’il était, et effectivement, Allan prit la mouche, il est un fait qu’il n’appréciait pas qu’on lui résiste, mais alors pas du tout ! Il s’approcha du roi, qui s’affaissa dans son fauteuil, le fixant dans les yeux (je me croyais revenu dans la salle de cours, avec le professeur prêt à arracher une vérité quelconque à un étudiant). Le roi semblait littéralement se décomposer sous ce regard implacable.

- Maintenant, sire, vous allez me dire la vérité. Il appuyait sur chaque mot, semblant hypnotiser le monarque alors totalement sous son emprise. Que s’est-il passé ?

- J’ai reçu, il y a de cela quelques mois, je ne sais plus quand exactement, une espèce de boule de cristal, merveilleuse, aux mille facettes, elle était éblouissante de beauté et de clarté, une luminosité, douce, pas blessante pour les yeux, émanait d’elle, je ne pus détacher mon regard de cet objet. Je regardai alors d’un peu plus près, toujours plus près, j’étais irrésistiblement attiré. Et alors une image m’apparut, c’était celle d’un elfe et une voix se fit entendre, je me souviens très nettement, une voix rocailleuse, et forte, haineuse, elle me dit « celui-ci et tous ceux de sa race, les elfes sylvains, les elfes gris, les hauts elfes sont vos ennemis, ils veulent vous détruire. Rassemblez vos forces armées, enrôlez le plus de monde possible, puis vous partirez avec vos troupes à mon signal pour la forêt qui borde le pays de la frontière. Le signal sera l’explosion de cette boule de cristal.

Puis il nous regarda tour à tour, et sa voix se fit grave et à peine audible, mais nous comprîmes tous très bien.

- Elle explosé il y a deux jours. Mes troupes sont parties et mes conseillers et moi-même nous apprêtons à partir dans la nuit, voilà, vous savez tout.

- Qui est le conseiller qui vous a donné cette boule ?

- Mon plus proche, Stephan.

- Faites-le appelez, s’il vous plaît. J’aimerais lui parler.

Il fut devant nous quelques minutes plus tard. Il était très grand, pas autant qu’Allan, mais presque, des cheveux noirs attachés en catogan, des yeux très clairs, verts, une expression volontaire, une posture droite, limite rigide. Il portait un bracelet plutôt voyant, avec un magnifique rubis. Impressionnant. Enfin, pour moi et Norbert d’après l’onde qu’il me fit passer, pas pour nos deux magiciens.

- J’ai à vous poser quelques questions

- Concernant ?

- Concernant une boule de cristal que vous avez apporté à notre roi

Blême, livide telle était devenu le teint de ce Stephan, Blême de rage apparemment, d’après le ton qu’il employa par la suite, plus du tout poli.

- C’est lui qui vous a dit ça ? Cracha-t-il en montrant le souverain de la tête.

- Est-ce ainsi que vous parlez de votre roi ?

Allan aussi avait abandonné toute marque de politesse.

- Effectivement c’est notre souverain. Il m’a révélé des choses très étonnantes. Asseyez-vous ! 

Le ton était d’une autorité qui n’admettait aucune contradiction et la voix avait décuplé de volume. Le conseiller ne chercha même pas à savoir s’il osait résister ou non : il s’assit sur le premier fauteuil qui se présenta à lui. Il est vrai qu’Allan était effrayant, même moi qui en avais l’habitude, je fus saisi devant la prestance du personnage, il en imposait vraiment. -  Maintenant, dites-moi cher Stephan, d’où vient cette boule ?

- Je ne peux vous répondre.

Et pourtant, il le regardait dans les yeux. Il me sembla percevoir une lueur de surprise dans ceux d’Allan, je me tournai vers Onoro, qui lui, resta interdit. Tien ça ne marchait pas ! Allan se concentra, aidé apparemment d’Onoro, ils parvinrent ainsi à soumettre Stephan.

- Cette vérité ? Demanda Allan toujours aussi imperturbable.

- Ce sont les elfes noirs qui me l’ont remise afin que je la donne au roi. C’était le moyen pour l’hypnotiser et réunir les armées.

- Comment avez-vous pu être en contact avec les elfes noirs ? Personne ne peut traverser la frontière à part les sang-mêlés.

- Je suis un sang-mêlé

La révélation fit l’effet d’une douche froide. Personne ne s’y attendait. Allan, toujours impénétrable reprit son interrogatoire.

- Comment se fait-il que les elfes noirs aient eu vent de votre existence, et pas les autres elfes ?

- J’ai été élevé parmi le peuple Drow, nous sommes sept en tout, à leur service. Dès notre majorité nous sommes devenus les conseillers les plus proches des sept monarques, nous maintenions le contact avec les elfes noirs qui nous dictent depuis lors notre conduite. Nous avons pour mission de faire traverser la frontière aux armées humaines afin de rejoindre là-bas les armées des elfes noires et des orques. Je ne sais rien de plus.

- Et le meurtre de la licorne, que savez-vous à ce sujet ?

- Un semi-elfe noir a traversé la frontière avec une licorne qui avait été capturée. Il fut très simple de convaincre un homme de la tuer ! Ceci avait seulement pour but de mettre le feu aux poudres entre les elfes et les hommes.

- Je vois… Et c’est à cause de votre sang que je n’ai pas pu immédiatement vous soumettre à la vérité… vous avez appris à lutter. Puis, se tournant vers nous : Nous ne pouvons rien faire, les armées sont déjà en marche, le processus est enclenché. Onoro confirma.

- D’autant que d’après nos amis, les Nullafae ont déjà perverti les populations, ils sont une multitude, nous ne pouvons absolument rien tenter.

Mais Onoro proposa tout de même de vérifier les deux pays habités restants.

- Toi et Rudy irez voir ce qu’il en est du pays aride et Norbert et moi-même irons au pays du feu, le dernier pays était une vaste étendue désertique où il n’y avait rien à faire. Rendez-vous chez moi dès que possible. Je fais passer le message à nos amis. Cela va pour vous ?

Nous demanda-t-il en se tournant vers Norbert et moi. Je n’allais pas faire un caprice et dire que je ne voulais pas être avec Allan…La situation ne s’y prêtait pas de toute façon. Alors…

- Tout va bien, répondis-je à contre-cœur, sous le regard narquois d’Allan et compatissant d’Norbert (Merci vieux !).

 

D’après Sairon et Raphaël, ainsi que Mel aldar et Yvan, les souverains de leur pays semblaient hypnotisés, absolument pas dans leur état normal et les premiers conseillers très méfiants. C’était une vrai torture pour chacun de n’être là qu’en tant qu’observateur, de ne rien pouvoir faire pour arrêter le mal, mais il fallait nous rendre à l’évidence, le moindre faux-pas, et ç’en était fini de nous, d’autant que les semi-elfes noirs s’étaient empressés de communiquer notre présence parmi eux à leurs maîtres et qu’ils avaient sûrement reçu des ordres plutôt macabres nous concernant. Nous devions filer et vite, la défense des elfes ne dépendait que d’une chose, qu’ils soient prévenus au plus vite, or pour les contacter, il fallait passer la frontière, car elle bloquait toute communication télépathique. Toutes…

- NON ! hurlai-je en plein vol, j’avais réussi à faire bondir Allan qui faillit perdre l’équilibre, mais je ne l’avais pas fait intentionnellement !

- Puis-je savoir ce qu’il vous prend, Rudy ? J’espère que cette espèce de cris sauvage en vaut la peine

- Oh oui ! Vous dites que la frontière bloque tout contact télépathique

- Je le dis oui. Et alors, auriez vous l’audace de dire autre chose ?

- Et bien oui, je l’ai. Ré’hem

- Quoi Ré’hem ?

- Elle m’a contacté hier

- Que dites-vous ? La surprise fut telle qu’il manqua encore une fois de perdre l’équilibre.

- Vous n’êtes pas très doué aujourd’hui !

- Je vous dispense de commentaire ! Revenons-en à Ré’hem, vous dites qu’elle peut nous contacter par delà la frontière ?

- A moins qu’elle ne l’ait passée toute seule…

- Impossible. Alors il y a moyen de prévenir les elfes. Elle sera notre messager.

Publié dans peraldar

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