Peraldar - 5

Publié le par Elerina

Chap. 16 Le peuple des sirènes

 

 

 

 

 

Ce ne fut pas si long que ça, peut de temps après notre entrée dans le Royaume des Sirènes, une délégation fit son apparition, ou du moins, leurs lances furent ce que nous vîmes en premier et qui nous arrêtèrent net. Effectivement, ils étaient du genre méfiants, avant que nous ne comprenions ce qui ce passait, ils étaient tous autour de nous, lances pointées sur notre gorge, d’une précision redoutable ! un millimètre de plus et nous étions fin prêts pour être servis en brochettes… ils ne mangent que du poisson et des algues, peut-être fûmes-nous épargnés pour cette raison. Hyalma secondé par Melaldar entrèrent en contact avec cet être mi-homme mi-poisson.

- Nous sollicitons votre clémence et vous implorons de nous laisser traverser votre Royaume. Ayez l’assurance qu’aucun mal ne vous sera fait, que nous n’avons absolument aucune mauvaise intention contre votre peuple.

 

L’hybride ne paraissait absolument pas convaincu, il ne fit aucun signe pour baisser les armes. Ils étaient loin de tout ce que j’avais jamais imaginé, lu ou rêvé à propos des sirènes, très loin. Les jolies sirènes aux cheveux longs qui vous ensorcèlent par leur voix et leurs chants, ces contes là n’avaient rien à voir avec ce qui se présentait devant nous. Ils étaient à la fois effrayants et fascinants. Le mélange, l’osmose d’un corps humain et d’un poisson, on n’aurait pu dire où s’arrêtaient ou commençaient les ressemblances avec l’un et l’autre. Ils n’avaient pas de couleurs précises, elles transparaissaient à travers leur corps phosphorescents, comme des méduses, bleu, vert, violet, une palette de couleurs se chevauchaient, s’emmêlaient. Leur peau semblait épaisse et très lisse et leur queue avait la forme de celle des hippocampes. Quant au visage…je crois que mes cauchemars les plus inventifs n’auraient pas eu l’idée d’en créer de tel ! leurs yeux n’avaient pas de regard, des yeux d’aveugle, presque blancs, lorsqu’il nous fixaient la sensation était très bizarre et désagréable. Le nez, n’ayant certainement aucune fonction était atrophié, complètement plat, et des espèces de nageoires agrandissait les côtés du visage, au dessous de celles-ci étaient situées les branchies, les ouïes étant un peu plus à l’arrière. Nous étions tous interdis devant ces êtres, plus occupés à les détailler du regard que préoccupés par leurs lances et leur attitude hostile. Ses questions furent simples :

- Qui êtes-vous et d’où venez-vous, enfin où allez-vous et dans quel but ? Répondez honnêtement à mes questions, nous aviserons ensuite. Succinct et clair !

Mel aldar qui avait l’art de s’attirer la sympathie des plus réticents lui répondit tout aussi succinctement.

- Nous sommes des elfes, trois elfes de la terre, trois elfes des mers, et cinq semi-elfes. Nous nous rendons à la frontière entre la terre des hommes et la terre des elfes. Le but ne peut être révélé en quelques mots. Si vous voulez le connaître, soit, nous n’avons rien à vous cacher, mais alors, prenons le temps d’en discuter paisiblement et non avec des lances sous nos gorges.

L’être baissa sa lance et fut imité pas les autres. Déjà nous étions soulagés, loin d’être à l’aise mais légèrement plus libres de nos mouvements.

- J’accepte. Non de vous laisser traverser, mais de discuter, venez.

 

Ils ne furent pas faciles à suivre, avec leur anatomie, ils fondaient dans l’eau à une vitesse impressionnante ! Ils s’arrêtaient de temps à autre pour nous attendre, merci, très aimable à vous… Ils nous emmenèrent dans les abysses de leur royaume, où il devait faire terriblement noir sans leur présence, mais leurs corps émettaient un halo lumineux autour d’eux qui rendaient ces profondeurs beaucoup moins oppressantes. Sans l’angoisse générée pas la situation, le spectacle était magnifique à voir, de loin, ils étaient fabuleusement beaux. Nous fûmes invités à entrer dans une sorte de caverne, chose qui nous rappela de bien mauvais souvenirs à Mirima et moi-même, instinctivement nous nous étions rapprochés l’un de l’autre et gardions un contact permanant pour ne pas céder à la psychose. A l’abris d’ouïes indiscrètes nous pouvions ainsi expliquer la situation. Ce fut Sairon, le sage, qui prit soin d’exposer en détail le but de notre traversée.

- Vous connaissez l’histoire des elfes n’est-ce-pas ?

- Ayant des contacts avec les elfes du Royaume de la mer, oui, nous en connaissons les grandes lignes.

- Nous n’avons plus de contact avec les hommes depuis la grande guerre suite à laquelle une frontière infranchissable pour la plupart fut créée. Les hommes se sont efforcés de nous ignorer, puis de nous oublier. Il n’y a depuis ce temps plus aucun contact entre elfes et hommes. Une autre guerre puissante et qui fit des ravages eut lieu, la guerre des elfes. Une catégorie d’elfes s’est mise à rechercher la puissance et le pouvoir et a réclamé la suprématie sur tous les peuples elfes. Nous n’en voulions pas, car c’était là de sombres intentions. Nous voulûmes les raisonner, ils perçurent ceci comme une agression et envahirent alors les cités elfiques qui ne voulaient pas se rallier à leur cause. Cette guerre fut impitoyable, nous étions indéniablement plus nombreux et finîmes par les repousser. Ils furent alors obligés de se réfugier sous la terre et nous en veulent. Ils ont attendu d’être assez puissants pour se venger. Ils ont fait appel à des puissances occultes, se sont alliés au peuple des orcs et nous les soupçonnons d’avoir franchi la frontière de quelle manière ? Nous l’ignorons, et d’avoir soumis les souverains humains à leur volonté. Le moment de leur vengeance est arrivé.

- Quel est votre rôle dans tout cela ?

- Nous voulons rencontrer les souverains et si nos suppositions sont correctes et qu’ils sont effectivement envoûtés nous tenterons de briser le lien qui les empêche de penser par eux-mêmes, avec l’aide de notre ami magicien. Nous ne sommes absolument pas certains de réussir, mais nous devons tenter ce que nous pouvons. Si nous agissons au plus vite, alors nous avons une petite chance que le mal ne soit pas si avancé.

- Sinon ?

- La puissance des forces occultes au service des elfes noirs, la soif de massacre des orcs et la quantité d’humains armés assureront l’anéantissement des elfes.

- Nous n’aimons pas beaucoup les humains, ils sont irrespectueux envers la nature et se croient plus forts que tout. Nous aimons encore moins ces perfides elfes noirs qui se sont abaissés à collaborer avec des démons. Alors nous vous aiderons à passer au plus vite et à accomplir votre mission. Vous les trois elfes de sang pur. Mais eux là, il se tourna vers nous cinq en nous montrant d’un signe de tête, comment leur faire confiance avec du sang humain qui les pervertit ?

- Ils ont accepté de combattre à nos côtés avec les risques que cela implique, ils en ont déjà pris beaucoup en traversant la forêt de l’affliction et en affrontant les elfes noirs. Ils nous seront indispensables lors de notre passage sur terre, seuls des êtres avec du sang humain et du sang elfe peuvent ouvrir le passage de la frontière (Ah, ça, je ne savais pas !), sans compter qu’une fois en terre des hommes, leur connaissance du milieu et des meurs et coutumes nous seront une aide essentielle.

- Soit. Deux guides parmi notre armée vous ouvriront la voie. Allez et que le courage et la sagesse soient votre lumière. Retenez que nous sommes vos alliés en cas de besoin.

- Nous vous en sommes reconnaissants et retenons votre offre bienvenue. Mais j’espère sincèrement ne pas avoir à semer le trouble dans votre royaume.

Peu de temps s’était écoulé depuis que les sirènes nous avaient arrêtés avec leurs lances, le fait d’avoir été si peu retardés nous donna du courage et nous poursuivîmes notre route la tête pleine des images fabuleuse qui s’étaient offertes à nous. Le peuple des sirènes était ce que nous avions vu de plus extraordinaire et incroyable. Thoron avait définitivement vaincu sa phobie, l’eau recélait bien des surprises, la faune était d’une incroyable diversité et il se promit que s’il s’en sortait vivant, il consacrerait une partie de sa vie à l’étude de la faune sous-marine, oui, décidément l’aventure nous transforme.

 

Thalion, en tête avec les sirène échangeait avec eux sur la situation des sirènes et des elfes aquatiques, malgré une apparente sérénité, leur vie n’était pas exempte de combats et de lutte pour la sauvegarde de leur vie.

- Vous avez les elfes noirs contre vous, nous, c’est le peuple des Ulundorim, ils sont très nombreux et absolument monstrueux. Ils sont les ennemis jurés des elfes aquatiques et les nôtres aussi. Nous avons moins de tués à déplorer parmi les sirènes que parmi les elfes, ceci simplement parce que nous vivons dans les profondeurs et nous éloignons que très peu et en groupe.

- A quoi ressemble un Ulundo ?

- Je vous souhaite de tout cœur de ne jamais en rencontrer un, d’une part parce que vous en feriez des cauchemars le restant de vos jours et … de toute façon nous n’en ressortiriez pas vivants, il n’y a jamais eu aucune chance de s’en sortir face à ces monstres. Ils sont très grands, environ 8 mètres, parfois plus, un corps musculeux reptilien et une tête de poisson. Ils ont comme les requins de grandes mâchoires avec une dentition impressionnante, deux rangées de très grandes dents pointues. Malgré leur imposante carrure ils sont difficiles à repérer car dotés d’un pouvoir de mimétisme qui les fond dans l’environnement où ils se trouvent. Ils sont en plus de cela très intelligents. Ils passent leur temps à traquer, ils se cachent, seuls, et lorsqu’ils repèrent une proie facile, ils donnent l’alerte et là… la victime se fait attaquer et déchiqueter en deux secondes.

- Ils n’ont pas de points faibles ?

- Leur seule vulnérabilité est au niveau de la vitesse de nage. Ils sont nettement désavantagés par leur anatomie qui est lourde et massive. Si la victime parvient à réagir à temps et qu’elle s’échappe, alors les Ulundorim n’ont aucune chance de la rattraper.

- Ils n’ont jamais tenté d’attaquer un royaume, celui des elfes ou le votre ?

- Non. Ils n’ont pas l’ambition de posséder, ils « s’amusent » à traquer et attaquer, c’est… un passe-temps.

- Nous ne risquons rien ?

- Absolument pas, nous sommes en groupe. Mais faites passer le message, qu’aucun ne s’attarde ou n’aille explorer à l’écart, il suffit d’être séparé de peu du groupe pour être une proie. Et, ils sont partout. Vous ne les voyez pas, mais ils sont là.

Suivant les conseils du merrien, Thalion nous informa un à un du risque. Il vint vers moi et me fit passer par les nuances du vert au blanc spectral en me décrivant la soif de déchiquetage des monstres puis continua et revint, il avait l’air alarmé :

- Où est Fael ?

La question me glaça le sang, s’il me le demandait c’est qu’il n’était pas avec le groupe, et avec ce qu’il venait de m’annoncer…

- Je ne sais pas, il était avec moi il y a deux minutes, puis je me suis rapproché de Mirima pour échanger avec lui et…

- Et il n’est plus là !

Les sirènes et les elfes aquatiques partirent à sa recherche immédiatement nous ordonnant de rester en groupe et de ne pas bouger. L’inquiétude qui nous rongeait nous fit ressentir chaque seconde, chaque millième de seconde comme des heures, ce fut long, très long, le temps nécessaire pour imaginer le pire sous toute ses formes. Mon meilleur ami ne pouvait pas finir déchiqueté par ces monstres ! Et bien, la réponse vint alors que je commençais à me sentir devenir complètement fou, rongé par l’angoisse, cette peur qui fait si mal partout, qui empêche toute pensée cohérente, qui vous brouille l’esprit et coule dans les veines comme un poison pire que mortel, torturant l’âme et le corps jusqu’à devenir intolérable et faire vaciller la raison… Ils arrivèrent, les sirènes et les elfes le visage déformé par la colère et Fael le visage déformé par la terreur, oui, apparemment il avait bien fait connaissance avec les monstres. Les merriens s’abstinrent de tout commentaire et nous firent signe de les suivre et de nous presser. Ils n’eurent pas de mal à se faire comprendre, un groupe de Ulundorim nous suivait.

- Je croyais qu’ils ne s’attaquaient pas aux groupe ? Thalion semblait incapable de me répondre, mais Fael, lui avait sa petite idée

- En fait, si, lorsqu’ils sont en colère. Et là, ils sont très en colère ! Ils m’ont manqué d’un millimètre. Ils allaient me sauter dessus juste quant les merriens sont arrivés, les deux sirènes m’ont pris chacun par un bras et on est parti comme des fusées. Je n’ai pas eu le temps de me rendre compte de ce qu’il se passait tellement tout cela est arrivé vite ! En fait, je commence juste maintenant à réaliser…oh, Calion, je n’ai jamais rien vu de tel, l’esprit humain n’est même pas assez tortueux pour imaginer quelque chose d’aussi hideux et terrifiant. J’ai de quoi alimenter mes cauchemars à vie.

- Mais qu’est ce qui t’a pris de t’éloigner du groupe ?

- J’avais vu un truc bizarre au fond de l’eau, j’ai juste voulu aller voir de plus près…en fait cette chose mystérieuse, c’était un Ulundo, bien caché, il se confondait avec le fond, il avait juste bougé un œil au moment où je l’ai regardé, c’est ce qui m’a intrigué.

- Ouai, ben, ta curiosité, tu la mets de côté pendant quelques temps, d’accord, parce que là, tu m’as fichu une trouille comme je ne veux plus jamais en connaître.

- Désolé ! Sincèrement. De toute façon, j’ai eu tellement peur que je ne suis pas prêt de recommencer ce genre d’exploration.

 

Les Ulundorim étaient en fait vraiment défavorisés par leur carrure, ils se fatiguaient vite et n’avaient aucune endurance, si bien qu’ils abandonnèrent la poursuite rapidement. Le reste du parcours se fit sans encombre, quelques requins…mais à côté de ce que nous avions vu, ils avaient l’air plutôt inoffensifs. La fin de notre périple sous-marin s’annonçait et nous avions mis trois jours et deux nuits, le temps prévu. L’effet des algues allait disparaître dans peu de temps, il nous fallait prévoir sortir de l’eau.

 

 

Partie 4

Terre des hommes

 

 

 

Chap. 17 La Frontière

 

 

Nous étions sortis de l’eau depuis si peu de temps et nos corps, qui avaient retrouvé leur forme habituelle en un clin d’œil commençaient à ressentir les effets des algues. Une fatigue intense nous envahit, nous faisant ressentir chaque pas, chaque mouvement, comme si nos pieds, nos mains étaient en plomb. Fort heureusement la frontière tant attendue était à quelques pas de la mer, ne connaissant rien de la progression des elfes noirs, nous ne prîmes pas de temps de repos et partîmes immédiatement après être sortis de l’eau.

Nous étions devant un mur de brouillard lorsque Nilda s’arrêta net.

- Nous y sommes.

- Ah ! Dis-je. Et…elle est où ?

- Là. Me répondit-il

- Bien, alors je suppose que nous devons avancer dans ce brouillard, ça nous rappellera des souvenirs. Je fis un pas, pas deux, Sairon m’arrêta et plaçant son bras devant moi.

- Ce n’est pas si simple, mon ami. Nous devons attendre qu’elle se révèle. Comme nous vous l’avons dit, la frontière a été créée par un magicien, il a fait en sorte que seuls des sang-mêlés, ce que vous êtes, puissent la faire apparaître. Vous devez vous placer au bord du brouillard, surtout ne faite pas un pas de plus.

Nous étions tous les cinq alignés côte à côte devant un mur de brouillard blanc, ne sachant ce qui allait advenir. Nous ne nous attendions pas à ce genre de frontière… Le brouillard se leva, doucement, Sairon nous avertit bien de ne surtout pas bouger. Il nous fut très facile de comprendre pourquoi, nous étions au bord d’un précipice, le bout des chaussures dans le vide… instinctivement nous reculâmes.

- Je vous ai dit de ne pas bouger !

Répéta Sairon en martelant chaque mot. Il en avait de bonnes, lui, rester au bord d’un précipice comme cela, c’était mission impossible, aucun être humain n’aurait pu se retenir d’être aspiré par le vide…des humains oui, mais des semi-elfes, non. Alors nous ne fûmes pas aspirés, car nous fîmes instinctivement appel à nos sens elfiques et la peur du vide s’envola.

- Concentrez-vous et faites appel à la frontière, elle vous apparaîtra comme un pont passant au dessus du vide. Il sera seulement visible à vos yeux, nous vous suivrons et marcherons dans vos pas.

- Tu veux dire que vous les elfes allez marcher dans le vide ?

- Le pont existe bel et bien, mais nous ne le verrons pas, oui effectivement, ce sera comme marcher dans le vide.

- Wahou ! Je venais de me rendre compte d’une chose qui me fit un drôle d’effet. Nous avons un avantage sur vous, nous pouvons voir quelque-chose que vous les elfes ne verrez pas ! incroyable ! d’habitude c’est toujours l’inverse, il faudra que je pense à remercier le magicien pour l’idée de génie de son ancêtre.

Sairon me regardait sans bien comprendre en quoi la situation était jubilatoire pour moi. Mais il est un fait que les elfes n’ont pas un sens de l’humour très développé, encore un point pour nous ! Il faut dire aussi que la situation ne se prêtait guère à des notes humoristiques, nous devions faire apparaître la frontière, sachant que les hordes d’elfes noires étaient peut-être très près.

 

Les pégases arrivèrent à ce moment là, ils étaient neuf, c’était magnifique de les voir arriver. Ils se posèrent près de nous, gracieux s’approcha de moi et me communiqua mentalement que justement ces hordes étaient à nos trousses, et seraient là dans très peu de temps.

- Très peu…c'est-à-dire ?

- C'est-à-dire qu’il ne faut pas perdre une minute. Ils arrivent.

C’était très propice à la concentration ce genre de stress. Nous regardâmes le vide sous nos pieds et appelâmes mentalement la frontière.

Elle mit peu de temps à se montrer. Et se matérialisa en un pont de pierres large et solide, on aurait dit une entrée de château fort avec au bout une arche en pierre, énorme, même les plus grands châteaux que j’avais visités, et, en féru de moyen-âge, j’en avais visité pas mal, ne m’avaient jamais présenté une telle entrée. Thalion commença à marcher sur le pont, suivit de Mel aldar, ils ne se quittaient plus ces deux là depuis que les groupes avaient été formés… puis Thoron suivi de Mirima puis Sairon, Fael suivi de Nilda qui semblait apprécier ce semi-elfe le plus difficile à convertir à « l’elfique », puis les pégases qui ne pouvant survoler la frontière, devaient la passer à pieds, et moi qui fermait la marche.

Au bout du pont, une fois franchie l’arche, nous entrâmes dans une forêt, au bout de quelques pas, Sairon nous fit signe de nous arrêter.

  1. Ici, nous ne risquons plus rien, nous pouvons nous reposer une moment.

 

Nous retrouver dans notre monde d’origine nous fit un véritable choc. Nous redevenions Dominique, Raphaël, Norbert, Yvan et Rudy, mais nous n’étions plus les mêmes non plus. Nous nous empressâmes de communiquer par l’onde, paniqués à l’idée que nos dons ne se soient perdus dans la frontière. Mais ce n’était pas le cas, nous ressentions le soulagement des uns et des autres. Nous retrouver ici était lourd de sens, cela voulait dire que l’essentiel de notre mission commençait, nous ne savions pas comment faire, parce que nous ne savions pas ce qui nous attendait vraiment. Sairon prit la parole après ce moment de silence suite au choc du retour sur terre.

 

-  Vous restez ce que vous êtes, où que vous soyez, des hommes et des elfes, vos dons elfiques restent présents, ils étaient dans vos gènes dès votre naissance, vous les avez seulement travaillés chez nous. Maintenant, vous avez vécu de nombreuses années sur terre et connaissez les coutumes et les façons de vivre et de penser des hommes, nous non. Thalion, tu deviens le chef de notre groupe et nous nous en remettons à toi. Bien-sûr nous aurons besoin de l’aide de chacun de vous cinq pour notre mission sur la terre des hommes, notre façon de vivre n’a pas grand-chose à voire avec celle des hommes et nous devons passer inaperçu autant que possible.

- Ca sera difficile ! je ne pus m’empêcher cette réflexion. Vous êtes des elfes, je veux dire, il n’y a pas que la façon de vivre, ou l’habillement, mais vos yeux ambres, vos cheveux blancs, si longs…et même leur texture est totalement différente de celle de nos chevelures. Nilda ça pourrait aller, les cheveux noirs et les yeux verts existent sur terre, bien que pas si…enfin bref, et puis il y a vos oreilles, elles sont…pointues. Et vos sourcils, ils sont plus longs que les nôtres. En plus, vous aurez des problèmes avec la gente féminine…

- Quel genre ? Me questionna Sairon, sourcils froncés.

- Disons que des gars dans votre genre, ça ne court pas les rues, plutôt les pages de magazines et après transformations par ordi.

Nos trois elfes semblaient ne plus me suivre du tout. Ils me fixaient tous les trois de leurs grands yeux, intimidants !

- Ce sont des détails reprit Thalion, nous trouverons des moyens, et puis, n’oublies pas que nous aurons l’aide du magicien Onoro, il aura certainement une solution. Pour répondre à ta suggestion Sairon, je te remercie de me voir comme le chef, mais, je crois que la seule décision que je prendrai sera celle de former des groupes, car le temps presse et nous avons sept monarques à prévenir, il ne sera pas judicieux de nous présenter tous les neuf devant un monarque. Ainsi je propose que nous formions quatre groupes, nous reprendrons les groupes déjà faits puisqu’ils sont fonction des forces et des faiblesses de chacun, chaque elfe ayant des pouvoirs magiques supérieurs à nous et chaque binôme comprenant un elfe et un semi-elfe, le magicien ira alors avec Mirima et Calion. Qu’en pensez-vous ?

- Je pense qu’il est préférable oui, que chaque groupe comprenne une personne experte en magie, ce qui est le cas pour Mel aldar, Nilda et moi-même. Donc oui, Onoro ira avec vous deux Calion et Mirima.

Ainsi, l’aventure continuerait avec Mirima. Et le Magicien que je ne connaissais pas. Soit. Mirima me fit passer le message de sont extrême contentement… Ca faisait plaisir ! Moi aussi j’étais heureux de le retrouver avec moi. Thalion avait indéniablement un pouvoir de commandement. Il ne venait à l’idée de personne de discuter ses directives, non qu’il n’aurait pas accepté quelconque objection mais son autorité était innée. Il en imposait de part sa carrure, sa grande taille, son regard gris, volontaire, impénétrable et de part son caractère franc et fort. Mais tous nous l’aimions car il était juste et s’intéressait à chacun, partageant les afflictions et rassurant. Il savait nous apaiser, son esprit s’imposait au notre et nous envahissait d’une bienfaisante onde de sérénité.

 

Chap. 18 Onoro

 

 

Onoro était un magicien comme on les imagine, comme on les décrit dans les contes. Les cheveux longs blancs, la barbe longue blanche, le vieux chapeau gris, la grande robe grise…bref, tout y était !

Lorsque nous arrivâmes au devant de son habitation, qui était cachée au milieu de la forêt, invisible à qui n’a pas la bonne incantation, il était sur le pas de la porte, semblant nous attendre.

- Mes chers amis, vous arrivez à l’heure prévue, exactement comme je l’avais prédit. Soyez les bienvenus. Et bien oui il nous attendait. Je sais que vous êtes fatigués à l’extrême, je peux même vous dire que vous êtes à la limite de perdre connaissance. Alors entrez, et installez-vous confortablement, j’ai tout préparé pour vous.

 

En effet, tout était prêt, huit couches nous attendaient, confortables comme on peut le ressentir lorsque l’on est dans un état pitoyable comme le nôtre à ce moment là ! Nous nous écroulâmes proprement, sans dire un mot car toute la fatigue accumulée ces derniers jours nous tomba dessus et nous assomma. Dormez, n’ayez crainte, je veille,  furent les derniers mots que nous entendîmes.

Il faisait nuit dehors lorsque j’ouvris à nouveau un œil. Le magicien était là, assis près de nous, il veillait effectivement. Il me regarda et m’adressa un sourire bienveillant.

- Calion, ou Rudy, c’est cela ?

- Oui, comment savez-vous ?

- Je sais bien des choses, je sais aussi que nous sommes au beau milieu de la nuit et que vous feriez bien de vous rendormir, même si vous avez une foule de questions à me poser. Dormez, vos questions ne se perdront pas dans vos rêves…

Je n’eus aucun mal à sombrer à nouveau dans le sommeil.

Thoron fut le premier à se réveiller le matin, aux aurores. Il se leva et s’installa aux côtés du magicien. Ils se regardèrent un long moment avant de dire quoi que ce soit, un lien semblait déjà s’être formé entre eux avant même de s’être dit un mot. Parfois, deux regards se disent bien plus de choses que de vaines paroles. Ils peuvent s’insinuer dans les profondeurs de celui qu’on ne connaît pas, ils sont souvent plus audacieux que des mots. C’est vrai qu’il sen passe des choses dans un regard échangé. Et il se passa bien des choses en quelques secondes entre Onoro et Thoron. Ce fut ce dernier qui brisa le premier le silence.

- Je suis honoré de vous rencontrer.

- Moi aussi, je suis très heureux. Thoron. Comment vous sentez-vous ce matin ?

- Disons, comme après une bonne nuit réparatrice. Je me sens bien.

- Des courbatures peut-être ?

- Oh ça oui !

- C’est normal. Vous avez nagé trois jours et deux nuits sans vous arrêter, votre corps n’est certes pas habitué à ce genre de traitement. Je vous ai préparé à tous un breuvage qui va effacer ces douleurs.

- Vous êtes bon. Vous avez même pensé à cela !

- Disons que vous n’irez pas bien loin avec de telles courbatures ! et…le temps presse n’est ce pas ?

- Oui, le temps presse.

Ils marquèrent une pause. Le magicien observait Thoron de son regard bienveillant. Il ne put voir beaucoup de chose au début. Puis, peu à peu, l’esprit de Thoron s’ouvrit à celui d’Onoro, lui laissant sonder ses émotions.

- Voilà qui est mieux, mon jeune ami ! Je sens une grande force en vous.

Puis, baissant la voix, comme s’il se parlait à lui-même :

- Oui, oui, c’est cela…Serait-ce possible ?

Il regardait Thoron les yeux plissés, concentré.

- Que dites-vous ?

- Plait-il ? Oh oui ! Aucune certitude pour le moment…

Puis, reprenant ses esprits :

- Avez-vous peur, Thoron ?

- Disons que j’essaie de ne pas m’appesantir sur de tels sentiments, cela ne m’apporterait rien.

- Je suis d’accord. Par contre il est bon d’en parler. Vous vous complaisez à montrer un visage impassible et dur, faites tomber ce masque, ce n’est pas vous. Vous êtes quelqu’un de sensible, extrêmement sensible même. Je le sens. Et je parierais cher que vos compagnons ont eux aussi percé cette carapace, car lire dans l’esprit de quelqu’un nous en apprend beaucoup sur cette personne. Vous serez beaucoup plus efficace en étant vous-mêmes et vos relations en seront simplifiées.

- Vous savez beaucoup de choses, vous comprenez les gens au premier regard. Ca sera rassurant d’avoir quelqu’un comme vous à nos côtés.

- J’essaierai d’être utile aux elfes et aux hommes autant que faire se peut ! Je suis magicien mais je n’en suis pas moins homme et j’ai mes faiblesses. Apprenez que la patience n’est pas la première de mes vertus contrairement à vous.

- Je ne crois pas être vraiment patient.

- L’aventure que vous vivez vous révélera chacun et vous apprendrez des choses sur vous qui vous surprendront très certainement.

- Des choses que vous avez déjà décelées, n’est ce pas ?

- Effectivement. J’ai le don de percevoir la personnalité profonde de chacun, celle qui est le plus souvent cachée, pas celle que l’on se donne pour masquer le reste. Mais je discute et manque à la plus élémentaire courtoisie ! Avez-vous faim Thoron ?

- Oui, un peu

- Seulement un peu, ou est ce encore une manière de cacher ce qui est vraiment ? Avoir faim n’est pas une faiblesse vous savez ! Tenez, buvez ce café, vous n’avez pas du en boire depuis quelques temps déjà.

- En effet, les elfes ne connaissent pas le café.

- Trop excitant pour ces êtres paisibles.

L’ odeur du café finit de réveiller tout le monde et c’est avec joie que nous retrouvâmes l’amertume de ce breuvage tonifiant. Du moins pour les semi-elfes. Les vrais elfes semblèrent se suffire de l’odeur pour revenir à une décoction beaucoup plus douce. Le tout accompagné de pain frais et de beurre, simple mais délicieux pour un palais habitué aux fruits secs et à l’eau depuis plusieurs jours. Nous aurions apprécié vivre ici plus longtemps mais nous avions beaucoup à faire. Le magicien prit l’initiative de discuter de la situation.

- J’ai bien peur, mes amis, que ce papier signé des chefs elfes n’ait plus cours malheureusement !

- Comment cela ? S’enquit Nilda.

- Ce n’est pas si simple que cela oserai-je dire. Il me semble fort probable que l’assassinat de la licorne ne soit qu’un aspect, disons…la partie émergée de l’iceberg et qu’elle cache un problème beaucoup plus profond et plus grave. Il fit une pause, et reprit, plus soucieux. Ce ne sont pas les hommes qui sont en cause, j’en ai la certitude, ce ne peut être que les elfes noirs.

- Avez-vous remarqué quelque chose d’inhabituel ? S’inquiéta Nilda.

- Les choses bougent en terre des hommes. Les armées se préparent et je ressents beaucoup d’ondes négatives dans la forêt ces derniers temps et c’est cela qui m’inquiète.

- Que voulez-vous dire par ondes négatives ? S’enquit Thalion

- Des…êtres obscures rôdent

- Dans la forêt ? Vous voulez dire la forêt que nous avons traversée hier ?

Fael était devenu livide, décidément il ne se faisait pas à ce genre de compagnie. Nilda assis à côté l’apaisa immédiatement.

- Ne vous inquiétez pas, Fael, ils ne s’attaqueront pas à nous, ce n’est pas leur but. Ils reconnaissent les elfes et savent qu’ils ne peuvent rien faire à toute personne qui a du sang elfique dans les veines. Quant à moi, je ne risque rien. Ils craignent ma magie.

- Vous avez eu affaire à eux on dirait, Nilda connaissait le vieux magicien et se doutait qu’il n’aurait pas laissé déambuler des êtres obscurs sans savoir qui ils étaient exactement.

- Tu me connais, Nilda. Oui, je n’ai pu m’empêcher de chercher à les sonder. Ce que j’ai trouvé ne m’a pas plu. Ils ont un esprit de séduction.

A ce mot, les trois elfes se raidirent. Onoro, voyant que nous ne réagissions pas, nous expliqua.

- Des êtres obscurs qui ont un esprit de séduction peuvent rallier qui ils veulent à leur cause. Du moins, à la cause de qui les envoie. En l’occurrence, il ne peut que s’agir du peuple Drows, il n’y a qu’eux pour s’allier avec les forces obscures, tout est noir chez eux, même leur magie. Surtout leur magie.

Là, ce fut moi qui eu un peu de mal à déglutir ma dernière bouchée de pain… Aussitôt le magicien se tourna vers moi.

- Il va falloir vous habituer à ces être abjectes que sont les elfes noirs, jeune homme. Vous avez eu l’extrême honneur de les rencontrer il me semble. Ai-je tort ?

- Non c’est vrai, nous avons été capturés Mirima et moi-même.

- Et ils n’ont pas tenté de vous pervertir ?

- Ils n’en ont pas eu le temps, nous avons été sauvés par une fée et les pégases.

- Alors tant mieux. Mais, ils ont eu le temps de vous faire souffrir, jeune Callion, vous avez encore à l’esprit les marques d’une grande souffrance. Je les perçois dès que j’effleure votre esprit.

- Ah, parce que vous aussi vous lisez dans les esprits des autres ?

- Beaucoup mieux que n’importe quel elfe, reprit Nilda. Tu apprendras vite que notre dévoué magicien fait pratiquement tout beaucoup mieux que le plus accompli des elfes…la patience en moins… il lança un sourire complice au vieil homme qui me fixa de plus belle.

- Et j’ai comme le sentiment qu’il va m’en falloir, de la patience. Je sens beaucoup d’impulsivité chez vous, vous agissez et parlez beaucoup plus vite que vous ne le devriez, non ?

Là, j’eus le déplaisir d’entendre deux trois de mes compagnons pouffer dans leur coin. Sympas !

- Ne vous offensez pas, mon ami, ce n’était pas le but. Vous avez des qualités précieuses qui rattrapent largement ces petits défauts.

Il avait posé sa main sur la mienne et me fit passer un apaisement qui calma immédiatement ma susceptibilité. Il me regarda avec intensité.

- Vous êtes bourré d’affection et un besoin vital de la partager avec ceux qui vous entourent et cela, je l’apprécie hautement.

Il était incroyable ce magicien, un petit tour dans notre esprit et hop, il cernait précisément notre personnalité, liste de qualités et défauts, état d’esprit actuel, c’était déconcertant !

- Revenons à nos Nullafëaie, les esprits obscurs. Je doute qu’ils ne soient les seules incarnations du mal lâchées par les elfes noirs. Il faudra être extrêmement vigilants. S’ils sont bien ce que je pense, nous ne pourrons les distinguer, ils sont invisibles. Toutefois, nous avons un avantage, celui de lire dans les esprits. Ce n’est pas très correct de le faire sans l’autorisation de la personne concernée mais dans ce cas, nous n’avons pas le choix. Aussi, je vous conjure de sonder toute personne qui se présentera à vous, même vos amis, surtout vos amis, s’ils ont été pervertis par ces esprits, vous vous en rendrez compte immédiatement, une espèce d’aura négative les entourera, mais leur nature profonde vous apparaîtra en même temps.

- Sont-ils déjà à l’œuvre ?

- Ils le sont oui, depuis quelques semaines, ils ont déjà fait beaucoup de mal.

- Comment le savez-vous ?

- Parce que je me suis rendu auprès des hommes, j’ai écouté, parlé, questionné. Et quelque chose ne va pas. Les hommes ne sont pas serins, ils sont inquiets, et coléreux comme ils ne l’étaient pas avant. J’ai senti leur présence néfaste partout où je me suis rendu. Je n’aime pas cela du tout. Nous devons pour l’heure établir un plan de notre stratégie afin de contrer les elfes noirs. Et, croyez moi mes chers amis, le temps presse. C’est pourquoi, nous ne devons pas plus attendre et partir dès demain à l’aube

Publié dans peraldar

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article